Episode Bonus 3 : La rechute
(Extrait de "Journal d'un dépressif ordinaire (ou presque)", Chapitre 34)
C'était un matin. La journée commençait plutôt bien, si on considère qu'être réveillé par la sonnerie du téléphone puisse être un bon début de journée. Il y a quand même des gens qui ont l'idée saugrenue de vous téléphoner à 7h44 le matin ! et même pas des emmerdeurs, des gens qui sont censés être proches de vous...
Enfin, ceci mis à part, et en oubliant le fait que j'ai atteint le téléphone trop tard pour décrocher, la journée commençait plutôt bien. Je me suis secoué un peu, j'ai fait du café, j'ai donné à manger au chat, je me suis douché, puis j'ai réceptionné mon café dans un grand mug et j'ai été m'asseoir dans le salon. Parfois je m'effraie moi-même : à vingt-cinq ans je fais déjà toujours les mêmes gestes dans le même ordre le matin. C'est inquiétant pour l'avenir.
Donc comme vous connaissez déjà l'ordre naturel de mes mâtinées, vous savez que j'ai mis immédiatement la télé, et plus précisément le journal des mannequins du Musée Grévin qu'on appelle également « édition du matin de LCI » (information à vérifier tout de même).
C'est à ce moment précis que le drame a eu lieu. En me calant dans le canapé pour avaler une délicieuse gorgée de café tout en découvrant combien de morts il y avait eu la nuit passée (la routine, quoi), je me suis assis sur la télécommande et ça a changé la chaîne. Le poste est passé sur une pub gériatrique intolérable (AIG Direct, si vous ne l'avez jamais vue... ouais, non : j'allais vous dire : « si vous ne l'avez jamais vu il faut y remédier d'urgence » mais en fait mieux vaut vivre dans l'ignorance de ce genre d'atrocité jusqu'à votre retraite), j'ai maugréé un truc, en posant ma tasse et en me retournant pour attraper la télécommande et remettre le reportage sur Action Joe au Proche Orient, et là DRIIIIIIIIIIIIIING !!!!!
(ok : « dring » c'est totalement démodé pour faire une sonnerie de téléphone, mais c'est tout ce qui m'est venu)
Je me lève, je maugrée un autre truc, je décroche.
[quelques minutes plus tard]
(je ne vous fais pas le détail de la conversation ça n'a aucun intérêt pour cette chronique)
Je raccroche et là, j'entends dans mon dos une phrase à glacer le sang :
Qu'à cela ne tienne, c'est la plus belle journée de mon existence et rien ne saura me la gâcher.
Pétrifié, je n'ai pas osé me retourner.
A ceux qui n'auraient pas encore compris l'atroce situation dans laquelle je me suis alors trouvé, la réponse à la précédente citation devrait servir d'éclaircissement :
Voyons, Thorne, tu n'as pas le droit de voir la mariée avant la cérémonie !
Là, plus de doute possible. Un mec qui s'appelle Thorne, qui parle en langage précieux et vit dans une famille pourrie où on n'a pas le droit de voir la mariée avant la cérémonie, ça ne peut être que lui. Qui ça ?
LUI :
Le seul, l'unique. Thorne Forrester.
La journée commençait plutôt bien, mais il pleuvait. Il serait hypocrite de ma part de mettre la suite des évènements sur le dos d'un phénomène climatique pour le moins commun en Normandie, certes. Mais voyez-vous, tel un ex-alcoolique qui se fait choper en train de humer un baba au rhum (ne riez pas, ça existe), je n'assume pas. Je préfère me dire que cette journée était placée sous le signe du paranormal.
D'ailleurs, cette vision de Thorne et de Darla au matin de leur mariage, c'était presque un signe. Tout de même ! je vais rappeler à ceux qui l'auraient oublié que la principale fonction de Throne Forrester dans « Amour, Gloire & Beauté » c'est bouche-trou (et aussi ouvreur de portes de bureaux à la Forrester, Inc.). Il n'apparaît qu'une scène tous les trente épisodes quand les scénaristes n'ont pas d'inspiration ou quand son syndicat (la Fondation Américaine des Alcooliques Bedonnants Unineuronaux) l'exige. J'aurais pu tomber sur la série une autre fois. Sauf que non : je suis tombé dessus pile pendant l'épisode mensuel où Thorne apparaissait.
Considérant que les signes du ciel sont quelque chose d'important dans la vie d'un être humain, je me suis rassis sur le canapé et j'ai regardé la suite de l'épisode.
Quel bonheur ! Chers lecteurs (là je m'adresse aux plus anciens d'entre vous), sachez donc que Thorne se marie !!! Avec Darla, évidemment, ce qui est déjà moins reluisant (ils ont je le rappelle 8 de QI à eux deux). Mais tout de même ! la vérité, ça m'a fait plaisir. En plus, la scène d'après était terriblement attendrissante. Darla restait seule à se regarder dans sa belle robe de mariée Prisunic (Thorne c'est la branche désargentée de la famille Forrester), on frappait à sa porte, elle ouvrait et là on voyait Thorne débarquer avec un bandeau sur les yeux. Comme ça il pouvait venir embrasser sa femme sans voir la mariée ni trahir la tradition.
Franchement : n'est-ce pas une idée merveilleuse ?
Si Thorne Forrester n'existait pas, il faudrait l'inventer. Il est à l'humanité entière ce qu'Alexandre Jardin est à la littérature : un baromètre de la médiocrité ambiante. Vous prenez un extrait de texte de Jardin et un extrait de texte de vous, vous demandez à un ami de comparer, s'il préfère votre extrait vous êtes du bon côté de la barrière (Jardin étant pile au milieu : jamais génial, mais jamais nul, on croirait que le mot « moyen » a été inventé pour lui) ; et s'il préfère l'autre extrait, ce n'est pas un ami.
De même, il vous suffit pour connaître votre niveau intellectuel de vous comparer à Thorne Forrester. Mais ça, c'est une astuce des scénaristes, Terry, John & Brian : au lieu de créer plein de personnages idiots comme dans les autres soaps, ils ont concentré de toutes leurs forces la quintessence de leur connerie en un seul et même protagoniste, de manière à élever l'ensemble de leur débats.
La bêtise de Thorne confine ainsi souvent à la fascination malsaine.
La scène suivante, montrait tous les invités à son mariage. Zidane que ça m'a fait plaisir de tous les retrouver !!! Riri Forrester, Stef et sa coupe cyber-punk, et bien sûr les Bonnie & Clyde de la lacrymologie : Ridge et Brooke. Oui, parce que Brooke est retournée avec Ridge (enfin en tout cas à ce moment là). Ca ne fait pas très longtemps, puisque Stef a encore beaucoup de mal à l'accepter. Elle le dit d'ailleurs haut et fort, ce qui oblige Ridge à opter pour son expression n°2 : mâchoire serrée j'suis pas content.
Mais ce n'est rien : juste une journée banale dans la vie extraordinaire de la famille Forrester. Ainsi va l'ordre des choses, et dans une dizaine d'épisodes, Stef aura fini par accepter le retour de Brooke, et là évidemment cette dernière plaquera Ridge pour retourner avec Nick. Logique.
Je suis conscient que si vous ne comptez pas parmi mes plus anciens lecteurs cette chronique ne suscitera chez vous aucune émotion. Je m'en excuse par avance, mais il fallait absolument que je vous en parle. Car voyez-vous, mes chers lecteurs, mes amis, ce n'est pas fini. L'épisode s'est terminé, mais, je vous l'ai dit, la journée était placée sous le signe du paranormal.
Aux alentours de 15 heures trente, je zappais tranquillement quand je tombe sur un truc qui s'appelle « Top Models », sur RTL9. Le générique était drôlement classe, mais en fait c'était ma série, avec son titre québécois. Ne me demandez pas pourquoi sur RTL9 ils n'appellent pas ça « Amour, Gloire & Beauté », ce qui serait beaucoup plus pratique pour attirer le téléspectateur (ou le camé dans mon genre)... je ne sais pas. Ce que je sais en revanche, c'est qu'à la grande époque des « Chroniques d'AG&B », les québécois qui me lisaient ne savaient pas le bol qu'ils avaient. Parce que le générique de chez eux il est d'un raffinement comparé au nôtre, je ne vous dit que ça !
Sur RTL9, ils sont un peu plus avancés que sur France 2. Du coup j'ai vécu vingt-quatre minutes de projection dans le futur, si j'ose dire. Je ne sais pas combien d'années séparent ces deux chaînes...pas beaucoup, a priori, puisque les épisodes diffusés sur France 2 en ce moment sont ceux de 2004. Donc à moins que la vénérable chaîne câblée ne dispose en avant-première des épisodes de 2010, c'est soit 2005 soit 2006.
Mais alors bref, en quelques mois, les filles de Ridge ont subi une poussée de croissance assez sidérante. Le matin je les avait vues gamines, l'après-midi je les vois ados, c'est assez troublant. D'autant que ce sont toujours les mêmes actrices !
Remarquez, ce n'est rien comparé au sort que le temps, cette ordure, a réservé à Ridge. Ridge, le beau Ridge et son sourire affûté au Colgate Ultra White... je ne vais pas briser vos illusions, chères lectrices et chers lecteurs homosexuels, mais dans le futur, Ridge ne vous fera plus du tout fantasmer. Il aura toujours la gueule carrée, mais il aura les cheveux tous gris et pleins de rides. C'est dégueulasse quand même la vie ! Le pauvre Ron Moss (c'est son nom dans la vraie vie (oui parce qu'on a tendance à l'oublier mais en fait ce ne sont que des acteurs, en vrai ils n'existent pas (désolé, ça fait beaucoup de révélations dans une même chronique))) n'a pas vieilli pendant 20 vingt ans et bing ! en six mois le temps rattrape son retard.
Captivé par les images, je n'ai pas vraiment suivi l'épisodes jusqu'à ce que Ridge ouvre une porte et trouve Taylor derrière. Et là j'ai bien entendu vu le second signe de la journée : en effet, la dernière « Chronique d'AG&B » que j'ai écrite dans ma vie antérieure où je rongeais des livres, cette dernière chronique, donc, évoquait le fantôme de Taylor. Eh bien là je tombe pile sur l'épisode de sa résurrection, celui où on comprend comment elle a pu se faire gonfler les lèvres au Paradis ! Mince alors...
Je ne m'attarde pas, vous avez compris que j'ai dévoré goulûment tout l'épisode.
Après quoi, vu le seuil de léthargie neuronale que j'avais atteint, j'ai zappé sur AB1 et je me suis ressourcé en m'envoyant quelques sitcoms de Jean-François Porry. Las, malgré les atouts indéniables des « Filles d'à côté », je n'ai pas été captivé. Comme disait mon philosophe de père, y a pas à tortiller du cul. La connerie française au regard de la connerie américaine, c'est pathétique. La connerie américaine développe une forme de génie qui accroche le spectateur même le plus intelligent et récalcitrant quand la connerie française le laisse soupirer d'effroi. Non, les jérémiades du faux homo des « Filles d'a côté » ne m'ont pas intéressé, j'ai donc zappé. Je suis tombé sur Dragon Ball Z sur NT1. J'ai regardé jusqu'au bout, après il y avait un dessin animé pourri, ensuite Dragon Ball GT qui est en fait la suite de Dragon Ball Z sauf que c'est naze. L'épisode se termine, et là une bande annonce lui succède : Tout de suite, un épisode de « L'Invicible » qui est immortel et tue les méchants. (ou à peu près).
En fait, L'Invincible, c'est Highlander mais il a changé de nom. Sinon il est pareil, immortel, balaise, musclé, avec un sabre et une queue de cheval. Sauf qu'à la place d'Adrian Paul, vous savez qui jouait le héros pourfendeur de méchants ? Je vous le donne en mille : comme dans toute bonne journée placée sous le signe du paranormal, ça ne pouvait être que... LORENZO LAMAS !!!!!! Lorenzo « The Ultimate Rebel » Lamas, celui qui a inspiré la chanson « Rebel, Rebel » de Bowie, celui qui a été le rebelle de la série « Le Rebelle » et surtout le pompier qui sauve des vies dans « AG&B » tout en tentant de se venger de Ridge.
Après cinquante minutes torrides aux côtés de Lorenzo, je me suis fait à manger. Toutes ces coïncidences en rapport avec « AG&B » m'avaient plongé dans un abîme de réflexion. Quelqu'un, quelque part, essayait de me dire quelque chose. Le téléphone a sonné. Peut-être était Terry ? Ou John ? Ou Brian ? Ou mon cousin ?
C'était mon cousin.
Quelque part c'était mieux.
Il m'a dit qu'on le voyait dans une émission sur MCM, là, tout de suite. Je me saisis de la télécommande, je tape 100, je vois mon cousin, on discute en même temps au téléphone, l'émission se termine, je raccroche. Je termine mon verre de rosé, en regardant un clip...en fait je vais rarement jusqu'aux chaînes dans les 100 (troisième grille de la mosaïque), donc j'ai regardé ce qu'il y avait dans ce coin là, à savoir une dizaine de chaînes musicales. Et juste avant MCM : Filles TV. Je savais même pas que ça existait !
Que pouvait-il donc y avoir sur Filles TV ?
Bon. Bah très franchement, de deux choses l'une : soit les adolescentes sont des débiles mentales, soit c'est une chaîne faite par des hommes pour engranger du fric. J'avoue que j'hésite...
(oh ! c'est bon, râlez pas, je rigole)
(je sais bien que c'est la première hypothèse)
En me resservant un verre de rosé, j'ai regardé quatre sitcoms américaines adressées à des adolescentes et soudain, arrivé à la dernière séquence de la quatrième, j'ai bondi sur mon fauteuil. Là, en face de moi, c'était...
Non...
Non, non, non, pas possible, là c'est trop. C'est une blague. Quelqu'un a piraté mon décodeur !
En face de moi se dandinait Jennifer Finnigan. Bridjounette. C'était bien elle. Visiblement en beaucoup plus jeune, mais il n'y avait pas de doute permis : Bridjounette était dans ma télé. C'était le troisième signe du jour.
J'ai pris peur, et de rage, j'ai éteint le décodeur. C'est repassé sur l'antenne hertzienne, qui ne sert à rien à part à regarder TF1 et M6 (donc à rien du tout). Là, sur TF1, il y avait une série policière que je n'avais jamais vue. Je regarde ça pendant dix minutes, et là, je vous jure que c'est vrai, qui arrive en plein dans la lucarne ? Jennifer Finnigan !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Affolé par cette persécution, j'ai couru me mettre à l'abri au fond de mon lit.
Est-ce l'alcool ou bien le Théralène, je ne sais pas trop. Le fait est que dans mon sommeil, j'ai entendu de manière très nette une voix qui me disait : « TU N'AVAIS PAS LE DROIT D'ARRETER TES CHRONIQUES, A PRESENT TU VAS PAYER »...
Brr...
J'ai bien sûr reconnu la grosse voix de Taylor quand elle est en fantôme et veut se la péter. Mais là je commence à être inquiet...
Il semble qu'un esprit malin veuille me pousser à reprendre les choses où je les avais laissées. Je suis évidemment conscient du degré d'absurdité de la situation, dans la mesure où aucun esprit malin ne peut sortir de la série. Pour en avoir été le chroniqueur attitré pendant six mois je les connais tous, aucun n'est malin. Même le terme "esprit" est un peu fort ! A moins que ce soit un coup de Massimo ? Hum...ça mérite réflexion.
Et vous, vous en pensez quoi ? Vous croyez que je suis fou ? Que je devrais en parler à mon psy ?
En attendant j'ai tout de même réussi à exorciser ma chambre et à me reposer. La solution était finalement très simple : il suffisait de mettre le disque sur la platine et de chanter avec Jack "Nick The Rebel" Wagner...allez, tous avec moi :
I'M GOING BACK AGAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIN !!!!!!!!!
I TAKE YOU TO THE ENDDDDDDDDD
REMEMBER WHERE WE BEEEEEEEN
AND WHERE WE HAVE TO GOOOOO
TAKE A LOOK AROUNDDDDDDDDD
LOOK OUT WHAT WE FOUNDDDDD
AND KNOW THAT WE CAN BE
WHAT YOU WANNA BE...
I'M GOING BACK,
AGAIN.
(oui, je la connais par coeur, et alors ?)
C'était un matin. La journée commençait plutôt bien, si on considère qu'être réveillé par la sonnerie du téléphone puisse être un bon début de journée. Il y a quand même des gens qui ont l'idée saugrenue de vous téléphoner à 7h44 le matin ! et même pas des emmerdeurs, des gens qui sont censés être proches de vous...
Enfin, ceci mis à part, et en oubliant le fait que j'ai atteint le téléphone trop tard pour décrocher, la journée commençait plutôt bien. Je me suis secoué un peu, j'ai fait du café, j'ai donné à manger au chat, je me suis douché, puis j'ai réceptionné mon café dans un grand mug et j'ai été m'asseoir dans le salon. Parfois je m'effraie moi-même : à vingt-cinq ans je fais déjà toujours les mêmes gestes dans le même ordre le matin. C'est inquiétant pour l'avenir.
Donc comme vous connaissez déjà l'ordre naturel de mes mâtinées, vous savez que j'ai mis immédiatement la télé, et plus précisément le journal des mannequins du Musée Grévin qu'on appelle également « édition du matin de LCI » (information à vérifier tout de même).
C'est à ce moment précis que le drame a eu lieu. En me calant dans le canapé pour avaler une délicieuse gorgée de café tout en découvrant combien de morts il y avait eu la nuit passée (la routine, quoi), je me suis assis sur la télécommande et ça a changé la chaîne. Le poste est passé sur une pub gériatrique intolérable (AIG Direct, si vous ne l'avez jamais vue... ouais, non : j'allais vous dire : « si vous ne l'avez jamais vu il faut y remédier d'urgence » mais en fait mieux vaut vivre dans l'ignorance de ce genre d'atrocité jusqu'à votre retraite), j'ai maugréé un truc, en posant ma tasse et en me retournant pour attraper la télécommande et remettre le reportage sur Action Joe au Proche Orient, et là DRIIIIIIIIIIIIIING !!!!!
(ok : « dring » c'est totalement démodé pour faire une sonnerie de téléphone, mais c'est tout ce qui m'est venu)
Je me lève, je maugrée un autre truc, je décroche.
[quelques minutes plus tard]
(je ne vous fais pas le détail de la conversation ça n'a aucun intérêt pour cette chronique)
Je raccroche et là, j'entends dans mon dos une phrase à glacer le sang :
Qu'à cela ne tienne, c'est la plus belle journée de mon existence et rien ne saura me la gâcher.
Pétrifié, je n'ai pas osé me retourner.
A ceux qui n'auraient pas encore compris l'atroce situation dans laquelle je me suis alors trouvé, la réponse à la précédente citation devrait servir d'éclaircissement :
Voyons, Thorne, tu n'as pas le droit de voir la mariée avant la cérémonie !
Là, plus de doute possible. Un mec qui s'appelle Thorne, qui parle en langage précieux et vit dans une famille pourrie où on n'a pas le droit de voir la mariée avant la cérémonie, ça ne peut être que lui. Qui ça ?
LUI :
Le seul, l'unique. Thorne Forrester.
La journée commençait plutôt bien, mais il pleuvait. Il serait hypocrite de ma part de mettre la suite des évènements sur le dos d'un phénomène climatique pour le moins commun en Normandie, certes. Mais voyez-vous, tel un ex-alcoolique qui se fait choper en train de humer un baba au rhum (ne riez pas, ça existe), je n'assume pas. Je préfère me dire que cette journée était placée sous le signe du paranormal.
D'ailleurs, cette vision de Thorne et de Darla au matin de leur mariage, c'était presque un signe. Tout de même ! je vais rappeler à ceux qui l'auraient oublié que la principale fonction de Throne Forrester dans « Amour, Gloire & Beauté » c'est bouche-trou (et aussi ouvreur de portes de bureaux à la Forrester, Inc.). Il n'apparaît qu'une scène tous les trente épisodes quand les scénaristes n'ont pas d'inspiration ou quand son syndicat (la Fondation Américaine des Alcooliques Bedonnants Unineuronaux) l'exige. J'aurais pu tomber sur la série une autre fois. Sauf que non : je suis tombé dessus pile pendant l'épisode mensuel où Thorne apparaissait.
Considérant que les signes du ciel sont quelque chose d'important dans la vie d'un être humain, je me suis rassis sur le canapé et j'ai regardé la suite de l'épisode.
Quel bonheur ! Chers lecteurs (là je m'adresse aux plus anciens d'entre vous), sachez donc que Thorne se marie !!! Avec Darla, évidemment, ce qui est déjà moins reluisant (ils ont je le rappelle 8 de QI à eux deux). Mais tout de même ! la vérité, ça m'a fait plaisir. En plus, la scène d'après était terriblement attendrissante. Darla restait seule à se regarder dans sa belle robe de mariée Prisunic (Thorne c'est la branche désargentée de la famille Forrester), on frappait à sa porte, elle ouvrait et là on voyait Thorne débarquer avec un bandeau sur les yeux. Comme ça il pouvait venir embrasser sa femme sans voir la mariée ni trahir la tradition.
Franchement : n'est-ce pas une idée merveilleuse ?
Si Thorne Forrester n'existait pas, il faudrait l'inventer. Il est à l'humanité entière ce qu'Alexandre Jardin est à la littérature : un baromètre de la médiocrité ambiante. Vous prenez un extrait de texte de Jardin et un extrait de texte de vous, vous demandez à un ami de comparer, s'il préfère votre extrait vous êtes du bon côté de la barrière (Jardin étant pile au milieu : jamais génial, mais jamais nul, on croirait que le mot « moyen » a été inventé pour lui) ; et s'il préfère l'autre extrait, ce n'est pas un ami.
De même, il vous suffit pour connaître votre niveau intellectuel de vous comparer à Thorne Forrester. Mais ça, c'est une astuce des scénaristes, Terry, John & Brian : au lieu de créer plein de personnages idiots comme dans les autres soaps, ils ont concentré de toutes leurs forces la quintessence de leur connerie en un seul et même protagoniste, de manière à élever l'ensemble de leur débats.
La bêtise de Thorne confine ainsi souvent à la fascination malsaine.
La scène suivante, montrait tous les invités à son mariage. Zidane que ça m'a fait plaisir de tous les retrouver !!! Riri Forrester, Stef et sa coupe cyber-punk, et bien sûr les Bonnie & Clyde de la lacrymologie : Ridge et Brooke. Oui, parce que Brooke est retournée avec Ridge (enfin en tout cas à ce moment là). Ca ne fait pas très longtemps, puisque Stef a encore beaucoup de mal à l'accepter. Elle le dit d'ailleurs haut et fort, ce qui oblige Ridge à opter pour son expression n°2 : mâchoire serrée j'suis pas content.
Mais ce n'est rien : juste une journée banale dans la vie extraordinaire de la famille Forrester. Ainsi va l'ordre des choses, et dans une dizaine d'épisodes, Stef aura fini par accepter le retour de Brooke, et là évidemment cette dernière plaquera Ridge pour retourner avec Nick. Logique.
Je suis conscient que si vous ne comptez pas parmi mes plus anciens lecteurs cette chronique ne suscitera chez vous aucune émotion. Je m'en excuse par avance, mais il fallait absolument que je vous en parle. Car voyez-vous, mes chers lecteurs, mes amis, ce n'est pas fini. L'épisode s'est terminé, mais, je vous l'ai dit, la journée était placée sous le signe du paranormal.
Aux alentours de 15 heures trente, je zappais tranquillement quand je tombe sur un truc qui s'appelle « Top Models », sur RTL9. Le générique était drôlement classe, mais en fait c'était ma série, avec son titre québécois. Ne me demandez pas pourquoi sur RTL9 ils n'appellent pas ça « Amour, Gloire & Beauté », ce qui serait beaucoup plus pratique pour attirer le téléspectateur (ou le camé dans mon genre)... je ne sais pas. Ce que je sais en revanche, c'est qu'à la grande époque des « Chroniques d'AG&B », les québécois qui me lisaient ne savaient pas le bol qu'ils avaient. Parce que le générique de chez eux il est d'un raffinement comparé au nôtre, je ne vous dit que ça !
Sur RTL9, ils sont un peu plus avancés que sur France 2. Du coup j'ai vécu vingt-quatre minutes de projection dans le futur, si j'ose dire. Je ne sais pas combien d'années séparent ces deux chaînes...pas beaucoup, a priori, puisque les épisodes diffusés sur France 2 en ce moment sont ceux de 2004. Donc à moins que la vénérable chaîne câblée ne dispose en avant-première des épisodes de 2010, c'est soit 2005 soit 2006.
Mais alors bref, en quelques mois, les filles de Ridge ont subi une poussée de croissance assez sidérante. Le matin je les avait vues gamines, l'après-midi je les vois ados, c'est assez troublant. D'autant que ce sont toujours les mêmes actrices !
Remarquez, ce n'est rien comparé au sort que le temps, cette ordure, a réservé à Ridge. Ridge, le beau Ridge et son sourire affûté au Colgate Ultra White... je ne vais pas briser vos illusions, chères lectrices et chers lecteurs homosexuels, mais dans le futur, Ridge ne vous fera plus du tout fantasmer. Il aura toujours la gueule carrée, mais il aura les cheveux tous gris et pleins de rides. C'est dégueulasse quand même la vie ! Le pauvre Ron Moss (c'est son nom dans la vraie vie (oui parce qu'on a tendance à l'oublier mais en fait ce ne sont que des acteurs, en vrai ils n'existent pas (désolé, ça fait beaucoup de révélations dans une même chronique))) n'a pas vieilli pendant 20 vingt ans et bing ! en six mois le temps rattrape son retard.
Captivé par les images, je n'ai pas vraiment suivi l'épisodes jusqu'à ce que Ridge ouvre une porte et trouve Taylor derrière. Et là j'ai bien entendu vu le second signe de la journée : en effet, la dernière « Chronique d'AG&B » que j'ai écrite dans ma vie antérieure où je rongeais des livres, cette dernière chronique, donc, évoquait le fantôme de Taylor. Eh bien là je tombe pile sur l'épisode de sa résurrection, celui où on comprend comment elle a pu se faire gonfler les lèvres au Paradis ! Mince alors...
Je ne m'attarde pas, vous avez compris que j'ai dévoré goulûment tout l'épisode.
Après quoi, vu le seuil de léthargie neuronale que j'avais atteint, j'ai zappé sur AB1 et je me suis ressourcé en m'envoyant quelques sitcoms de Jean-François Porry. Las, malgré les atouts indéniables des « Filles d'à côté », je n'ai pas été captivé. Comme disait mon philosophe de père, y a pas à tortiller du cul. La connerie française au regard de la connerie américaine, c'est pathétique. La connerie américaine développe une forme de génie qui accroche le spectateur même le plus intelligent et récalcitrant quand la connerie française le laisse soupirer d'effroi. Non, les jérémiades du faux homo des « Filles d'a côté » ne m'ont pas intéressé, j'ai donc zappé. Je suis tombé sur Dragon Ball Z sur NT1. J'ai regardé jusqu'au bout, après il y avait un dessin animé pourri, ensuite Dragon Ball GT qui est en fait la suite de Dragon Ball Z sauf que c'est naze. L'épisode se termine, et là une bande annonce lui succède : Tout de suite, un épisode de « L'Invicible » qui est immortel et tue les méchants. (ou à peu près).
En fait, L'Invincible, c'est Highlander mais il a changé de nom. Sinon il est pareil, immortel, balaise, musclé, avec un sabre et une queue de cheval. Sauf qu'à la place d'Adrian Paul, vous savez qui jouait le héros pourfendeur de méchants ? Je vous le donne en mille : comme dans toute bonne journée placée sous le signe du paranormal, ça ne pouvait être que... LORENZO LAMAS !!!!!! Lorenzo « The Ultimate Rebel » Lamas, celui qui a inspiré la chanson « Rebel, Rebel » de Bowie, celui qui a été le rebelle de la série « Le Rebelle » et surtout le pompier qui sauve des vies dans « AG&B » tout en tentant de se venger de Ridge.
Après cinquante minutes torrides aux côtés de Lorenzo, je me suis fait à manger. Toutes ces coïncidences en rapport avec « AG&B » m'avaient plongé dans un abîme de réflexion. Quelqu'un, quelque part, essayait de me dire quelque chose. Le téléphone a sonné. Peut-être était Terry ? Ou John ? Ou Brian ? Ou mon cousin ?
C'était mon cousin.
Quelque part c'était mieux.
Il m'a dit qu'on le voyait dans une émission sur MCM, là, tout de suite. Je me saisis de la télécommande, je tape 100, je vois mon cousin, on discute en même temps au téléphone, l'émission se termine, je raccroche. Je termine mon verre de rosé, en regardant un clip...en fait je vais rarement jusqu'aux chaînes dans les 100 (troisième grille de la mosaïque), donc j'ai regardé ce qu'il y avait dans ce coin là, à savoir une dizaine de chaînes musicales. Et juste avant MCM : Filles TV. Je savais même pas que ça existait !
Que pouvait-il donc y avoir sur Filles TV ?
Bon. Bah très franchement, de deux choses l'une : soit les adolescentes sont des débiles mentales, soit c'est une chaîne faite par des hommes pour engranger du fric. J'avoue que j'hésite...
(oh ! c'est bon, râlez pas, je rigole)
(je sais bien que c'est la première hypothèse)
En me resservant un verre de rosé, j'ai regardé quatre sitcoms américaines adressées à des adolescentes et soudain, arrivé à la dernière séquence de la quatrième, j'ai bondi sur mon fauteuil. Là, en face de moi, c'était...
Non...
Non, non, non, pas possible, là c'est trop. C'est une blague. Quelqu'un a piraté mon décodeur !
En face de moi se dandinait Jennifer Finnigan. Bridjounette. C'était bien elle. Visiblement en beaucoup plus jeune, mais il n'y avait pas de doute permis : Bridjounette était dans ma télé. C'était le troisième signe du jour.
J'ai pris peur, et de rage, j'ai éteint le décodeur. C'est repassé sur l'antenne hertzienne, qui ne sert à rien à part à regarder TF1 et M6 (donc à rien du tout). Là, sur TF1, il y avait une série policière que je n'avais jamais vue. Je regarde ça pendant dix minutes, et là, je vous jure que c'est vrai, qui arrive en plein dans la lucarne ? Jennifer Finnigan !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Affolé par cette persécution, j'ai couru me mettre à l'abri au fond de mon lit.
Est-ce l'alcool ou bien le Théralène, je ne sais pas trop. Le fait est que dans mon sommeil, j'ai entendu de manière très nette une voix qui me disait : « TU N'AVAIS PAS LE DROIT D'ARRETER TES CHRONIQUES, A PRESENT TU VAS PAYER »...
Brr...
J'ai bien sûr reconnu la grosse voix de Taylor quand elle est en fantôme et veut se la péter. Mais là je commence à être inquiet...
Il semble qu'un esprit malin veuille me pousser à reprendre les choses où je les avais laissées. Je suis évidemment conscient du degré d'absurdité de la situation, dans la mesure où aucun esprit malin ne peut sortir de la série. Pour en avoir été le chroniqueur attitré pendant six mois je les connais tous, aucun n'est malin. Même le terme "esprit" est un peu fort ! A moins que ce soit un coup de Massimo ? Hum...ça mérite réflexion.
Et vous, vous en pensez quoi ? Vous croyez que je suis fou ? Que je devrais en parler à mon psy ?
En attendant j'ai tout de même réussi à exorciser ma chambre et à me reposer. La solution était finalement très simple : il suffisait de mettre le disque sur la platine et de chanter avec Jack "Nick The Rebel" Wagner...allez, tous avec moi :
I'M GOING BACK AGAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIN !!!!!!!!!
I TAKE YOU TO THE ENDDDDDDDDD
REMEMBER WHERE WE BEEEEEEEN
AND WHERE WE HAVE TO GOOOOO
TAKE A LOOK AROUNDDDDDDDDD
LOOK OUT WHAT WE FOUNDDDDD
AND KNOW THAT WE CAN BE
WHAT YOU WANNA BE...
I'M GOING BACK,
AGAIN.
(oui, je la connais par coeur, et alors ?)
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